Massacre de la Saint-Barthélemy

Publié le par Socrates Philalethe

 

Massacre de la Saint-Barthélemy
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Le Massacre de la Saint-Barthélemy, d'après François Dubois

Le massacre de la Saint-Barthélemyest le massacre de protestants à Paris, le 24 août 1572, jour de la Saint-Barthélemy. Ce massacre s'est prolongé pendant plusieurs jours dans la capitale, puis s'est étendu à plus d'une vingtaine de villes de province durant les semaines suivantes.

Cet épisode tragique des Guerres de religion résulte d'un enchevêtrement complexe de facteurs multiples, aussi bien religieux et politiques que sociaux. Il est la conséquence des déchirements militaires et civils de la noblesse française entre catholiques et protestants, notamment de la vendetta entre le clan des Guise et celui des Châtillon-Montmorency. Il est le résultat d'une sauvage réaction populaire, ultra-catholique et hostile à la politique royale d'apaisement. Il reflète également les tensions internationales entre les royaumes de France et d'Espagne, avivées par l'insurrection aux Pays-Bas.

Pendant longtemps, la tradition historiographique a fait du roi Charles IX et de sa mère Catherine de Médicis les principaux responsables du massacre. Au début du XVIIe siècle, faute de sources, les historiens sont encore partagés sur le rôle exact de la couronne. Ils retiennent que seuls les chefs militaires du clan protestant étaient visés par l'ordre royal. Dès le matin du 24 août, Charles IX avait ordonné l'arrêt des tueries mais dépassé par le zèle et la fureur du peuple, il n'avait pu les empêcher.

Sommaire

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Contexte [modifier]

Le massacre de la Saint-Barthélemy se place à la suite d'une série d'événements dont il est la conséquence :

Une paix et un mariage impopulaires [modifier]

La paix de Saint-Germain met fin à trois années de terribles guerres civiles entre catholiques et protestants. Cette paix est précaire car les catholiques les plus intransigeants ne l'acceptent pas. Le retour des protestants à la cour de France les choque, mais la reine mère Catherine de Médicis et son fils le roi Charles IX sont décidés à ne pas laisser la guerre reprendre. Conscients des difficultés financières du royaume, ils défendent la paix et laissent Gaspard de Coligny, le chef des protestants, revenir dans le conseil royal. Pour concrétiser la paix entre les deux partis religieux, Catherine de Médicis projette de marier sa fille Marguerite de Valois avec le prince protestant Henri de Navarre, futur Henri IV. Le mariage princier est prévu le 18 août 1572. Il n'est accepté ni par les catholiques intransigeants, ni par le pape. Celui-ci et le roi d'Espagne, Philippe II, condamnent vigoureusement la politique de la reine mère.

Une ville sous tension [modifier]

Le Louvre d'Henri II

Le mariage est célébré le 18 août 1572, occasion de festivités grandioses auxquelles sont conviés tous les grands du royaume, y compris les protestants, dans un esprit de concorde et de réconciliation. Le mariage occasionne la présence à Paris d'un très grand nombre de gentilhommes protestants venus escorter leur prince. Or, Paris est une ville farouchement anti-huguenote. Les Parisiens, catholiques à l'extrême, n'acceptent pas leur présence. Du fait du martèlement des prédicateurs, capucins au premier chef, le mariage d'une princesse de France avec un protestant leur est une horreur. Le Parlement de Paris lui-même décide de bouder la cérémonie du mariage. Le peuple parisien est très mécontent. En outre, les récoltes ont été mauvaises. Les hausses des prix et le luxe déployé à l'occasion des noces royales accentuent la colère du peuple.

La cour est elle-même très tendue. Catherine de Médicis n'a pas obtenu l'accord du pape pour célébrer ce mariage exceptionnel. Par conséquent, les prélats français hésitent sur l'attitude à adopter. Il faut toute l'habileté de la reine mère pour convaincre le cardinal de Bourbon d’unir les époux. Par ailleurs, les rivalités entre les grandes familles réapparaissent. Les Guise ne sont pas prêts à laisser la place aux Montmorency. François, duc de Montmorency et gouverneur de Paris, ne parvient pas à contrôler les troubles urbains. Cédant face au danger parisien, il préfère quitter la ville quelques jours après le mariage.

La tentative d'assassinat de Coligny [modifier]

Gravure représentant l'attentat perpétré contre Coligny.

Le 22 août 1572, un attentat par tir d'arquebuse est perpétré contre Gaspard de Coligny. Celui-ci s’en tire avec un doigt arraché et une blessure au bras gauche. Les soupçons s’orientent très vite vers des proches des Guise et on désigne (probablement à tort) la complicité de la reine mère, Catherine de Médicis. Pourquoi cet attentat ? Peut-être pour saboter le processus de paix. Mais les plus exaltés y voient une punition divine. Si aujourd'hui, il est impossible de connaître l'instigateur de cet attentat, l'historiographie a retenu trois noms :

  • Les Guise : ce sont les suspects les plus probables. Meneurs du parti catholique, ils veulent venger la mort de François de Guise, assassiné dix ans auparavant, sur l'ordre de Coligny, selon eux. Le coup de feu tiré sur l'amiral est tiré depuis une maison appartenant à un de leurs familiers. Le cardinal de Lorraine et le duc d'Aumale et la duchesse douairière de Guise Antoinette sont les membres de la famille les plus déterminés. Néanmoins, certains historiens pensent que les Guise étaient beaucoup trop soucieux de revenir en grâce auprès du roi pour commettre l'imprudence de l'irriter contre eux.
  • Le duc d'Albe gouverneur des Pays-Bas au nom de Philippe II : Coligny projette d'intervenir militairement aux Pays-Bas pour les libérer du joug espagnol, suivant l'alliance qu'il avait contractée avec les Nassau. Au mois de juin, il a envoyé plusieurs troupes clandestines au secours des protestants de Mons, assiégés par le duc d'Albe. Suite au mariage d'Henri de Navarre et de Marguerite de Valois, Coligny espère enfin déclencher la guerre contre l'Espagne afin de consolider davantage l'union entre catholiques et protestants français. Aux yeux des Espagnols, l'amiral représente donc une menace. Toutefois, la correspondance de don Diego de Zuñiga, ambassadeur espagnol en France, du duc d'Albe ou de Philippe II ne permet pas de prouver l'implication de la couronne espagnole dans l'attentat contre le chef huguenot. Au contraire, Don Diego de Zuñiga juge dans ses dépêches que la présence de l'amiral aux côtés de Charles IX constitue plutôt un frein à la guerre ouverte aux Pays-Bas : selon l'ambassadeur, la couronne française ne « jetterait pas le masque » et continuerait à pratiquer une guerre « couverte » contre l'Espagne afin de ne pas renforcer inconsidérément l'influence de Coligny en le plaçant officiellement à la tête de troupes royales[1].
  • Catherine de Médicis : selon la tradition, Coligny aurait acquis trop d'influence sur le jeune roi. Charles IX en aurait fait son favori en l'appelant familièrement « mon père ». Inévitablement, la reine mère en aurait conçu de la « jalousie » ainsi qu'une vive crainte de voir son fils entraîner le royaume dans une guerre aux Pays-Bas contre la puissance espagnole, conformément aux conseils politiques de l'amiral. Cependant, la plupart des historiens contemporains trouvent difficile de croire en la culpabilité de Catherine de Médicis au vu de ses efforts accomplis pour la paix intérieure et la tranquillité de l'État. Par ailleurs, il n'est pas prouvé que Coligny exerçât une influence décisive sur Charles IX.
  • Enfin, il reste l'hypothèse d'un acte isolé, commandité par un personnage relativement peu important, proche du milieu guisard et pro-espagnol.

Déroulement [modifier]

La première Saint-Barthélemy [modifier]

La tentative d'assassinat de Coligny est l'événement déclencheur de la crise qui va mener au massacre, autrement dit "le premier acte". Les protestants s'élèvent contre cet attentat contre leur chef le plus respecté, et réclament vengeance. La capitale est au bord de la guerre civile entre les partisans des Guise et les huguenots. Pour rassurer Coligny et les protestants, le roi vient avec sa cour au chevet du blessé, et lui promet justice. Devant la reculade du roi face aux protestants, les Guise font mine de quitter la capitale laissant le roi et la reine mère dans le plus grand désarroi. Charles IX et Catherine de Médicis prennent peur de se retrouver seuls avec les protestants. Depuis la surprise de Meaux en 1567, la reine mère a toujours eu la plus grande appréhension à l'égard des protestants. Pendant le repas de la reine mère, des protestants viennent bruyamment lui réclamer justice.

Le soir même du 23 août, le roi aurait tenu une réunion avec ses conseillers (le "conseil étroit") pour décider de la conduite à suivre. S'y trouvaient la reine mère, le duc d'Anjou, le garde des sceaux René de Birague, le maréchal de Tavannes, le baron de Retz, et le duc de Nevers. Il n'existe aucun document permettant d'affirmer avec certitude que la décision d'abattre les principaux chefs militaires protestants ait été prise lors de cette réunion. Vu les circonstances, le conseil décida de procéder à une "justice extraordinaire" et l'élimination des chefs protestants fut décidée. Il s'agissait de mettre hors d'état de nuire les capitaines de guerre protestants. Le conseil épargna les jeunes princes du sang, le roi de Navarre et le prince de Condé.

Le massacre de la Saint-Barthélemy par Giorgio Vasari, 1572-1573

Peu de temps après cette décision, les autorités municipales de Paris furent convoquées. Il leur fut ordonné de fermer les portes de la ville et d'armer les bourgeois afin de prévenir toute tentative de soulèvement.

Il est aujourd'hui difficile de déterminer la chronologie des événements et de connaître le moment exact où commença la tuerie. Les nobles protestants, Pardaillan, Saint-Martin, Sources, Armand de Clermont de Piles, Saint-Jean-d'Angely, Beaudiné, Puy Viaud, Berny, Quellenec, baron du Pons, furent chassés du palais du Louvre puis massacrés dans les rues. L'amiral de Coligny fut tiré de son lit, achevé et défenestré. Les corps sont traînés dans les rues, dénudés et rassemblés dans la cour du Louvre[2]. Ces assassinats ciblés constituent "le deuxième acte" du massacre.

Parmi les chefs protestants présents à Paris le 24 août, ceux qui survécurent logeaient majoritairement hors de la ville, dans le faubourg Saint-Germain.

La seconde Saint-Barthélemy [modifier]

"Le troisième acte" débute au cours de la nuit : l'opération militaire dégénère en massacre généralisé de tous les protestants, sans considération d'âge, de sexe ou de rang social. Alertés par le bruit et l'agitation de l'opération militaire, les Parisiens les plus exaltés se laissent emporter par la peur et la violence. Ils attribuent à tort le trouble nocturne aux protestants et se mettent à les poursuivre, pensant agir pour la défense de leur ville. Ce serait pour cette raison que le tocsin aurait sonné à la cloche de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois, proche du Louvre, tocsin rapidement repris par d'autres clochers de la ville[3].

La tuerie parisienne dure plusieurs jours, malgré les tentatives du roi pour la faire arrêter. Enfermés dans une ville quadrillée par la milice bourgeoise, les protestants ont peu de chance de s'en sortir. Leurs maisons sont pillées et leurs cadavres dénudés et jetés dans la Seine. Certains parviennent à se réfugier chez des proches mais les maisons des catholiques tenus en suspicion sont également fouillées[4]. Ceux qui manifestent leur hostilité au massacre prennent le risque de se faire assassiner. Le massacre touche également les étrangers et notamment les Italiens[5].

La floraison inopinée d'une aubépine dans le cimetière des Innocents au matin du 24 août perçue comme un signe divin renforce la conviction du peuple du bien-fondé de l'épuration. Suivant un rituel purificateur, le cadavre de Coligny, retrouvé par la foule, est émasculé, plongé dans la Seine où il pourrit trois jours avant d’être pendu au gibet de Montfaucon[6].

Dès le matin du 24 août 1572, le roi ordonna en vain l’arrêt du massacre. Il prit différentes mesures pour rétablir l'ordre et tenter de protéger vainement la vie des gens menacés. Le roi envoya notamment le duc de Guise et le duc de Nevers protéger les protestants bénéficiant d’un statut ou d’un rang particulier. C’est le cas de l’hôtel de l’ambassadeur d’Angleterre Francis Walsingham où des protestants avaient trouvé refuge et que les parisiens exaltés étaient en train d’assiéger[7]. D’autres personnes avaient trouvé refuge à l’hôtel de Guise et à l'hôtel de Nemours, où la tante protestante du roi Renée de France s’était réfugiée avec une partie de sa maison. Les familiers de la famille royale comme les Crussol, Antoine et Louise, furent protégés et les princes et les princesses de sang trouvèrent un abri sûr derrière les murs du Louvre.

Le 26 août, le roi tint un lit de justice où il endossa la responsabilité de l'exécution des chefs de guerre protestants. Il déclara alors qu'il avait voulu :

« prévenir l'exécution d'une malheureuse et détestable conspiration faite par ledit amiral, chef et auteur d'icelle et sesdits adhérents et complices en la personne dudit seigneur roi et contre son État, la reine sa mère, MM. ses frères, le roi de Navarre, princes et seigneurs étant près d'eux. »

La saison des Saint-Barthélemy [modifier]

Averties par des témoins, des courriers de commerçants, encouragées par des agitateurs comme le comte de Montsoreau dans le val de Loire[8], les villes de province déclenchèrent leurs propres massacres. Le 25 août, la tuerie atteint Orléans (où elle aurait fait un millier de victimes) et Meaux ; le 26, La Charité-sur-Loire ; le 28 et 29, à Angers et Saumur ; le 31 août, à Lyon ; le 11 septembre, à Bourges ; le 3 octobre, à Bordeaux ; le 4 octobre à Troyes, Rouen, Toulouse ; le 5 octobre, à Albi, Gaillac ; Bourges, Romans, Valence, Orange, furent aussi touchées. On manque de sources pour reconstituer la violence dans d'autres villes.

La réaction des autorités est variable : parfois elles encouragent les massacres, comme à Meaux où c’est le procureur du roi qui en donne le signal[9], ou encore à Bordeaux (le massacre est organisé par le Parlement), Toulouse (le duc de Joyeuse, gouverneur, y est très favorable)[10]. Assez souvent, elles tentent de protéger les huguenots, en les mettant en prison (au Mans, à Tours). Cela ne marche pas toujours, et les prisons sont forcées et les protestants y sont massacrés (comme à Lyon, Rouen, Albi). Les gouverneurs militaires contredisent ceux qui prétendent que le roi ordonne et approuve les massacres (ce qui ne suffit pas toujours à les empêcher). Au total, le nombre de morts est estimé à 3 000 à Paris, et de 5 000 à 10 000 dans toute la France.

Les réactions en Europe [modifier]

Médaille commémorative à l'effigie du pape Grégoire XIII.

En apprenant la nouvelle du massacre, le pape Grégoire XIII fit chanter un Te Deum et une médaille à l'effigie du souverain pontife fut frappée afin de célébrer l'événement. Il commanda également au peintre Vasari une série de fresques relatant le massacre (ci-dessus, un détail de la peinture toujours présente dans la Sala Regia au Vatican). Philippe II d'Espagne fit part de sa satisfaction et aurait déclaré : « C'est le plus beau jour de ma vie ». Élisabeth Ire d'Angleterre prit le deuil et fit faire le pied de grue à l'ambassadeur français avant de paraître accepter, pour raisons diplomatiques, la thèse du complot huguenot et du « massacre préventif ». En mémoire de ce massacre, les Genevois firent maigre et jeûnèrent, ce qui était courant en ces temps difficiles[11].

Conséquences [modifier]

Le massacre de la Saint-Barthélemy entraîne un changement complet de la question religieuse en France.

Sous la pression des catholiques intransigeants et probablement dans l'espoir de rétablir plus vite qu'ils ne l'auraient cru l'unité de la foi, Charles IX et Catherine de Médicis décident de modérer radicalement la politique de conciliation menée à l'égard des protestants. Parmi les nombreuses mesures discriminatoires prises dans les mois qui suivirent le massacre, ils font interdire l'exercice de leur culte. L'édit de Saint-Germain est annulé[12].

Si les protestants gardent la liberté de conscience, le roi encourage vivement les conversions[13]. Le roi et sa mère cherchent à obtenir celles de leurs proches et avec leur appui le cardinal de Bourbon obtient celles de ses neveux et nièces, princes et princesses de sang. Le roi de Navarre abjure ainsi le protestantisme le 26 septembre. Le prince et la princesse de Condé sont remariés selon le rite catholique le 4 décembre à Saint-Germain-des-Prés. Durant le mois de novembre, les gouverneurs reçoivent également l'ordre de rassembler les gentilshommes protestants et de les persuader à se convertir. Henri de Guise parvient ainsi à éradiquer le protestantisme dans son gouvernement de Champagne. Mais dans la plupart des cas, ce sont des conversions forcées qui ont lieu dans le royaume. A Rouen, 3000 protestants abjurent[14]. Sous la pression et les menaces, les communautés protestantes s'essoufflent et se dissolvent dans les lieux où elles sont minoritaires. Les communautés de la moitié sud de la France, beaucoup plus importantes parviennent plus facilement à résister.

Jusqu'à la fin de l'année 1572, les exactions entraînèrent une très forte hausse des réfugiés. Beaucoup se réfugièrent à Genève qui prit le surnom de « cité du refuge ». En effet, au lendemain de ces évènements, la ville accueillait dix à vingt réfugiés par jour.[15].

A l'issue du massacre, Charles IX décide également de sacrifier les chefs protestants partis à la rescousse de Mons. Après la capitulation de la ville, le 19 septembre, les français (600 à 800 hommes) obtiennent du duc d'Albe la concession de rentrer en France mais ils sont éliminés une fois passés la frontière. Le parti huguenot est désormais privé de ses chefs militaires, hormis quelques uns protégés par le roi comme Acier, La Noue et Sénarpont[16]. Le roi espère maintenant rétablir son autorité sur tout le royaume. Il entreprend des négociations avec la ville de La Rochelle qui fait figure de capitale pour les protestants. L'échec de ces pourparlers déboucheront sur la quatrième guerre de religion.

Au niveau politique, les évènements de la Saint-Barthélemy entraînent une remise en cause profonde de la nature du pouvoir royal. Les monarchomaques pensent que le pouvoir du roi doit être limité (notamment par la tenue régulière des états généraux). La reflexion naît chez les protestants à l'issue du massacre et elle se diffuse dans le courant de l'année 1573 chez les catholiques modérés hostiles à la puissance autoritaire de la monarchie. Elle débouche sur la mise en place des Provinces de l'Union et sur la conjuration des Malcontents (1574).

Interprétation historiographique [modifier]

Tradition historiographique [modifier]

extrait du tableau peint par François Dubois
Catherine de Médicis est représentée en train de dévisager les cadavres

La démesure de la tragédie explique la difficulté qu'ont eu les contemporains à comprendre ce qui s'était passé. Le massacre de la Saint-Barthélemy est devenu très tôt un enjeu historiographique. Face aux contradictions de la politique royale, chacun y est allé de son interprétation personnelle. La première hypothèse donnée par les contemporains est que le massacre avait été prémédité. Catherine de Médicis aurait attiré les protestants à Paris pour mieux s'en débarrasser[17].

Ultérieurement, les historiens ont cherché l'explication de la contradiction de la politique royale dans l'antagonisme qui aurait existé entre le roi et sa mère. Jaloux de l'influence que l'amiral aurait exercé sur son fils, Catherine de Médicis aurait commandité son assassinat, déclenchant un phénomène qu'elle n'avait pas forcément prémédité. Paniquée à l'idée d'être découverte et de subir la vengeance des protestants, avec l'aide de ses conseillers, elle aurait forcé la main à un roi hésitant et velléitaire pour décider l'exécution des principaux chefs militaires. C'est l'hypothèse qui a perduré le plus longtemps[18].

La difficulté qu'ont eu les historiens à donner une explication au massacre résulte de la partialité des sources contemporaines. Chez les protestants, les écrivains n’hésitent pas à exagérer les chiffres des morts et à transformer l’évènement comme résultant du seul fait religieux. Du côté catholique, les protagonistes cherchent à se disculper en rejetant la faute sur l’autre, c’est le cas du maréchal de Saulx-Tavannes, ou encore de Marguerite de Valois, qui dit n'avoir jamais rien su. D'autres comme De Thou ont tenté de reconstituer les faits quelques décennies plus tard sans parvenir à se dégager des écrits polémiques.

En revendiquant le massacre, Charles IX en est devenu le principal responsable devant la postérité. La tradition populaire n'a finalement retenu que l'aspect religieux du massacre. Sous la Révolution française, Marie-Joseph Chénier met en scène Charles IX ou la Saint Barthélemy (1789) une pièce de théâtre qui connaît un grand succès populaire. L’époque est à la déchristianisation et le massacre de la Saint-Barthélemy est utilisé pour vitupérer le fanatisme catholique. Au XIXe siècle, l'historiographie traditionnelle est pérennisée par des auteurs à succès comme Alexandre Dumas (La reine Margot écrit en 1845).

Nouvelle orientation historiographique [modifier]

A la fin du XXe siècle, plusieurs historiens ont remis en cause l'explication traditionnelle du massacre. L'historienne protestante Janine Garrisson qui l'avait reprise dans les années 1980, a reconsidéré elle-même son interprétation dans ses dernières publications. Si aujourd'hui, les historiens dissocient l'exécution des chefs protestants du massacre populaire proprement dit, ils débattent encore des responsabilités de la famille royale. L'enjeu est de connaître le degré de leur implication ou de leur inaction dans l'organisation du massacre.

  • Pour Jean-Louis Bourgeon, ce sont les Parisiens, les Guise et les agents du roi Philippe II d'Espagne qui sont les véritables responsables de l'attentat et du massacre. Charles IX et Catherine de Médicis y seraient absolument étrangers. L'historien souligne l'état quasi-insurrectionnel de la ville au moment du mariage. En décembre 1571, plusieurs maisons protestantes avaient déjà été pillées. Les Guise, très populaires à Paris, ont profité de cette situation pour faire pression sur le roi et la reine mère. Charles IX aurait donc été contraint de précéder la future émeute, qui aurait été le fait des Guise, de la milice bourgeoise et du peuple.
  • Denis Crouzet replace le massacre dans le contexte idéologique de l'époque : le néoplatonisme. Charles IX et Catherine de Médicis n'ont pu avoir le dessein d'assassiner Coligny, car c'eût été contraire à leur désir de maintenir l'harmonie et la concorde autour de la personne royale. C'est une fois que l'assassinat consomme la rupture et que la guerre civile menace de nouveau l'équilibre, que la position du roi et de la reine mère change. Par crainte de voir la guerre reprendre et une insurrection protestante éclater, ils auraient choisi d'étouffer celles-ci dans l'œuf. Le principe néo-platonicien cher à Catherine de Médicis qui tend à conserver l'unité autour de la personne du roi, les a poussés à sacrifier les principaux chefs protestants et à consentir malgré eux au massacre.
  • Selon Thierry Wanegffelen, l'un des principaux responsables de la famille royale dans cette affaire est le duc d'Anjou, frère du roi. À la suite de l'attentat manqué contre l’amiral de Coligny, qu’il attribue aux Guise et à l'Espagne, les conseillers italiens de Catherine de Médicis ont sans doute préconisé en Conseil royal le meurtre d'une cinquantaine de chefs protestants pour profiter de l'occasion d'éliminer le danger huguenot, mais la reine mère et le roi s'y sont très fermement opposés. Cependant Henri d'Anjou, lieutenant général du royaume, présent à cette séance du Conseil, a pu voir dans l'accomplissement de ce crime d’État une bonne occasion de s'imposer au gouvernement. Il a pris contact avec un autre jeune homme ambitieux, en mal d'autorité et de pouvoir, le duc Henri de Guise (dont l'oncle, le clairvoyant cardinal Charles de Lorraine était alors retenu à Rome), et avec les autorités parisiennes. La Saint-Barthélemy parisienne est issue de cette conjonction d'intérêts, et elle s'explique d'autant mieux que les hommes du duc d'Anjou agissaient au nom du lieutenant général du royaume, donc dans les mentalités de l'époque, au nom du roi. On comprend pourquoi, le lendemain du déclenchement du massacre, Catherine de Médicis fait condamner ces crimes par déclaration royale de Charles IX , et menace les Guise de la justice royale. Mais lorsque Charles IX et sa mère ont appris l'implication du duc d'Anjou, ils se sont trouvés liés à son entreprise, si bien qu'une seconde déclaration royale, tout en demandant la fin des massacres, en prête l'initiative à la volonté de Charles IX de prévenir un complot protestant. Dans un premier temps le coup d’État de Henri d'Anjou est un succès, mais Catherine de Médicis se serait ingéniée à l'écarter du pouvoir en France : elle l'envoie avec l'armée royale s'enliser devant La Rochelle et le fait élire roi de Pologne.
Les faits remis en cause [modifier]
  • La fameuse phrase prononcée par le roi, le soir du 23 août. Il se serait écrié de colère, sous les conseils répétitifs de sa mère, excédé : « Eh bien soit ! Qu’on les tue ! Mais qu’on les tue tous ! Qu’il n’en reste plus un pour qu’on ne puisse me le reprocher ! ».

 

 

 

Publié dans XVIIe Siècle

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